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INDEMNITÉ D’ÉVICTION ET RESILIATION DU BAIL (indemnité d'éviction)

Dernière mise à jour : 2 avr.

Droit au bail ou fonds de commerce ?


Qu’est ce qu’une indemnité d’éviction et comment s’apprécie-t-elle ? Quelles sont les pratiques en matière judiciaire et quels sont les droits des exploitants – locataires évincés ? Quelles sont les méthodes d’appréciation de la valeur du fonds de commerce et du droit au bail, du point de vue de l’Expert et du Juge ? Quels sont les droits des exploitants évincés et quelles sont les indemnités qui leur sont dues ?

Indemnité d'éviction

SOMMAIRE




Si le bail commercial vous protège et vous garantit un droit au renouvellement, il reste permis au Bailleur de vous délivrer un congé sans offre de renouvellement en fin de bail, moyennant le versement d’une indemnité d’éviction. Si ce n’est pas le Bailleur, les pouvoirs publics ont également la possibilité de vous évincer en cours de bail, dans le cadre de projets d’intérêts publics notamment (régulièrement situés dans des périmètres de ZAC). Dès lors, les contentieux d’éviction portés devant le Juge des loyers commerciaux ou de l’expropriation (selon les cas) sont nombreux, tant les enjeux financiers sont importants entre les parties.


Une bonne connaissance du statut des baux commerciaux et du Code de l’expropriation est indispensable dans le cadre de la fixation des indemnités d’éviction. La jurisprudence est abondante en la matière et l’appui d’un avocat spécialisé et d’un expert immobilier est vivement recommandé dans l’évaluation des indemnités d’évictions.



L’indemnité d'éviction EN MATIERE JUDICIAIRE


Les tribunaux apprécient les indemnités d’éviction d’un fonds de commerce par analogie avec les indemnités susceptibles d’être versées à l’exploitant en cas de congé avec refus de renouvellement du bail commercial.


L’indemnité d’éviction est une indemnité compensatrice du préjudice résultant de la résiliation du bail commercial. Elle intègre une indemnité principale correspondant à la valeur marchande du fonds et des indemnités accessoires comprenant les frais et droits afférents au transfert ou à l’acquisition d’un fonds équivalent, les frais inhérents au déménagement et à la réinstallation du fonds, outre le trouble commercial subit par l’exploitant.


Ces indemnités s’apprécient en fonction des conséquences de l’éviction (2 hypothèses) :


  • Le transfert du fonds est possible, sans perte de clientèle avec le maintien de la chalandise, soit parce que l’emplacement commercial n’est pas déterminant pour la réception de la clientèle, soit parce qu’il existe une possibilité de réinstallation à « proximité » dans des locaux de remplacement équivalents. Il s’agit alors d’une indemnité de transfert, basée sur la valeur du droit au bail.


  • L’éviction entraîne la perte du fonds, avec perte de la clientèle, en raison de l’impossibilité de réinstallation à « proximité ». Il s’agit alors d’une indemnité de remplacement basée sur la valeur du fonds de commerce, qui ne saurait être inférieure à celle du droit au bail (élément incorporel du fonds).


La législation stipule que la présomption légale est la perte du fonds de commerce, la possibilité de transfert étant l’exception dont le Bailleur a la charge de la preuve (article L. 145-14 du Code de commerce). Dans le cadre d’un contentieux, la décision finale resterait à l’appréciation souveraine du Juge.


La jurisprudence rappelle aussi que dans le cas où l’indemnité de transfert (en raison d’indemnités accessoires élevées), est supérieure à l’indemnité de remplacement, l’hypothèse de perte du fonds devra être retenue ainsi que l’indemnité de remplacement correspondante. Enfin, pour donner lieu à indemnisation, un préjudice doit être direct, réel et certain.


Résiliation de bail et indemnité d'éviction


LA VALEUR DU FONDS DE COMMERCE

Calcul fonds de commerce

Les tribunaux apprécient les indemnités d’éviction d’un fonds de commerce par analogie avec les indemnités susceptibles d’être versées à l’exploitant en cas de congé avec refus de renouvellement du bail commercial.


Le fonds de commerce se constitue d’éléments incorporels (la clientèle, l’enseigne commerciale, les licences, le droit au bail, les contrats et partenariats de distribution …) et d’éléments corporels (le mobilier, les équipements spécifiques, la vitrine …). Ils sont de nature comptable et inscrits au bilan (valeur brut et valeur nette après amortissements), rappelés dans un inventaire contradictoire lors de la cession.


La valeur du fonds de commerce ne saurait être inférieure à la valeur du droit au bail qui en constitue un des éléments incorporels.


Les méthodes d’évaluation applicables :

  • Les barèmes professionnels : issus de données statistiques et jurisprudentielles, ils sont variables d'un ouvrage professionnel à l'autre. Ils sont appliqués sur le chiffre d’affaires moyen des 3 dernières années (éventuellement corrigé des fluctuations exceptionnelles) et différenciés par segments d’activité (marchandises, services, …). Cette méthode est privilégiée par les tribunaux.

  • L’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) : multiplié d’un coefficient d’activité compris entre 3 et 10, il valorise le fonds sur sa capacité bénéficiaire et de financement. Cette méthode est privilégié par les acquéreurs-cessionnaires.

  • La méthode « P. Souchon » : variante des barèmes professionnels, elle est adaptée aux commerces de gros qui travaillent « exclusivement » avec une clientèle de professionnels.

  • Par comparaison directe : avec des mutations récentes de fonds de commerce, sous réserves de comparables en nombre suffisant, de même nature et dans un environnement proche. Les montants hétérogènes des cessions rendent l’exercice difficile en l’absence de données comptables suffisantes.



LA VALEUR DU DROIT AU BAIL

Calcul droit au bail

Le droit au bail est un des éléments incorporels du fonds de commerce et correspond à l’acquisition de l’économie de loyer réalisée par l’exploitant (si elle existe) entre la valeur locative de marché et le loyer quittancé, contractuellement prévu au bail. Le risque de déplafonnement du loyer doit être considéré pour quantifier l’avantage économique réel conféré par le contrat.


Néanmoins, compte tenu des conjonctures économiques et du turnover plus régulier des enseignes, mais aussi de l’évolution des clauses financières dans les baux commerciaux, le droit au bail s’apprécie de plus en plus comme un « droit au local » et à l’emplacement, indépendamment de toute économie de loyer. C’est d’autant plus flagrant sur les artères commerciales majeures où les enseignes cherchent à s’implanter pour capter une part de marché ou ouvrir une « vitrine » de la marque.


Dès lors, il convient de distinguer le droit au bail « économique » des artères secondaires, du droit au bail « commercial/financier » des artères prime, fortement dépendant des tendances de marché, relevant de la convenance et des surenchères entre les enseignes (intérêt du cessionnaire pour l’extension du local contigu, un effet vitrine, faire concurrence ou déplacer l’enseigne de trottoir).


Les méthodes d’évaluation applicables :

  • Le coefficient de situation et de commercialité : il est principalement apprécié au regard de la qualité de l’emplacement et de la destination contractuelle prévue au bail, et s’applique sur l’économie de loyer, différentiel entre la valeur locative de marché et le loyer quittancé. L’hypothèse de déplafonnement du loyer doit être prise en compte, si elle existe et qu’il existe un risque certain. Cette méthode est privilégiée par les tribunaux.

  • L’actualisation de l’économie de loyer : que l’exploitant aurait pu bénéficier lors de son renouvellement de bail, conformément à la durée contractuelle.

  • Par comparaison directe : avec des mutations récentes de droit au bail, sous réserves de comparables en nombre suffisant et dans un environnement proche. Rappelons que ces montants sont fortement volatils, et que ces transactions sont bien souvent tripartites (Bailleur – cédant – cessionnaire).



LES INDEMNITES ACCESSOIRES


L’indemnité d’éviction devant couvrir l’intégralité du préjudice causé à l’exploitant du fonds dans le cadre de la résiliation anticipé (par voie d’expropriation) ou en fin de bail commercial (par congé sans offre de renouvellement), différentes indemnités accessoires à l’indemnité principale de fonds de commerce ou de droit au bail peuvent être dues et réclamées par la partie évincée.


1. Des frais de remploi ou frais d’agence


Ils visent à couvrir le montant des frais et droits attachés à l’acquisition d’un nouveau fonds, droit au bail ou à défaut d’un local libre équivalent lorsqu’il « n’existe pas » de valeur suffisante du fonds/droit au bail. Ils sont constitués a minima des honoraires d’intermédiation et juridiques, de rédaction d’acte et des coûts fiscaux afférents.


Dans un contexte « de marché », ces frais représentent couramment 8 à 10% de la valeur du fonds/droit au bail ou 15% de taux de commission sur la valeur locative du local libre équivalent, auquel se rajoute d’éventuels frais juridiques estimés à environ 3.500 €.


En matière judiciaire, ces frais s’apprécient par tranche du montant de l’indemnité principale, sous réserve que cette dernière existe ou est suffisamment élevée (5% jusqu’à 23.000 € et 10% au-delà).


2. Un trouble commercial


Il vise à indemniser l’exploitant du temps de travail improductif qu’il a passé à gérer l’éviction et à prévoir le réemploi de l’indemnité perçue (fin de l’activité et/ou création d’une nouvelle activité). Il s’apprécie en nombre de mois de l’EBE du dernier exercice (3 mois étant le nombre couramment retenu pour les activités traditionnelles).


A défaut d’un EBE représentatif ou lorsque le trouble n’affecte pas les revenus de l’entreprise, le trouble commercial peut s’apprécier à partir du cumul :

  • d’une perte sur salaires et charges, apprécié en mois de la masse salariale du dernier exercice (hors salaires jugés « exorbitants ») ;

  • d’un trouble d’exploitation : apprécié en jours du chiffre d’affaires moyen.


Un trouble commercial complémentaire lié à la perte d’image et aux frais publicitaires engendrés par l’éviction peut également être retenu, sous réserve que l’emplacement constitue une véritable vitrine « repère » pour la clientèle du fonds (Champs-Elysées, Saint-Honoré, Montaigne …).


3. Une perte partielle de clientèle / de chiffre d’affaires


Elle vise à indemniser l’éventuelle perte de clientèle liée au transfert de l’activité, nécessairement éphémère. Dans le cas contraire, elle s’opposerait par principe à la notion de transfert du fonds. Bien que les points de vue divergent sur le sujet, si le préjudice est démontré, il est en principe indemnisé à partir d’un pourcentage du chiffre d’affaires moyen, compris entre 5 et 10%.


Toutefois, dans certains cas particulier de transfert d’activité, il est possible de démontrer un préjudice plus conséquent en raison d’une concurrence commerciale proche et/ou dense. En effet, une clientèle captée par la concurrence est bien souvent perdue pour l’exploitant évincée.


4. Une perte sur stocks


Elle vise à indemniser l’éventuelle perte sur stocks causée par l’arrêt de l’activité, l’exploitant étant obligé de liquider ses stocks dans des conditions préjudiciables. C’est particulièrement le cas des activités tournées vers la restauration ou l’alimentaire où les denrées sont périssables, mais également pour les activités de commerce de gros (liquidation des stocks sous forme de rabais commerciaux) ou dites sensibles (marchandises fragiles, susceptibles d’être détériorées lors du déménagement). Cette indemnité est due sur justificatifs.


5. Des frais de licenciement


Ils visent à couvrir le montant du licenciement des salariés causé par l’arrêt de l’activité. Cette indemnité est due sur justificatifs et à parfaire au jour de l’éviction.


6. Un remboursement du « double loyer »


Il vise à indemniser le paiement des loyers et charges des futurs locaux « équivalents » que devra engager l’exploitant évincé pendant la période de transfert entre le site actuel et le site d’arrivé, et qui seront dus dès la signature du bail.


Cette indemnité est en principe estimée à hauteur d’1 à 3 mois de loyers chargés a minima (sur la base de la valeur locative de marché des locaux évincés et du temps de transfert). Il conviendra d’apprécier le caractère standard ou non des aménagements, la taille des locaux et la nécessité d’une continuité d’activité (arrêt possible ou non d’une chaine de production, transfert progressif des machines, temps des travaux, …).


7. Des frais de déménagement


Ils visent à couvrir le montant du déménagement de l’ensemble des mobiliers et équipements, mais également des différentes machines et autres matériels informatiques. La jurisprudence récente tend à accorder cette indemnité aussi bien dans le cas de transfert que dans le cas de perte d’activité, l’exploitant devant remettre « en théorie » des locaux libres de toute occupation et encombrement. Cette indemnité est due sur justificatifs (3 devis a minima en judiciaire).


8. Une participation aux frais de réinstallation


Ils visent à couvrir une partie des frais de réinstallation du fonds que l’exploitant évincé devra financer pour adapter les futurs locaux à son activité. Il s’agit notamment des coûts afférents aux installations spécifiques à l’activité exercée, en termes d’aménagement et d’équipement, que le Preneur bénéficiait dans son local contraint d’être quitté.


Pour déterminer la participation à ces travaux, un taux d’abattement sur le montant à neuf des travaux est retenu, principalement fonction du niveau de vétusté des installations (usuellement compris entre 50 et 80%, jusqu’à 20 – 30% pour les aménagements les plus récents).


La jurisprudence reste à ce jour indécise et semble parfois étendre cette indemnité à l’ensemble des frais de réinstallation et non seulement aux installations spécifiques.


9. Des frais divers / administratifs


Ils visent à couvrir le montant des frais inhérents aux formalités liées au registre du commerce, aux diverses consultations juridiques, frais de correspondance (clients et fournisseurs notamment), mesures de publicité, résiliations de contrats en cours et autres frais divers de type changement de cartes de visite, etc. Il faut également tenir compte selon les cas des frais de transfert de siège social. Ils sont en principe retenus forfaitairement entre 3.000 et 10.000 €.


Compte tenu de l’étendue des indemnités et de la complexité d’évaluation de l’indemnité d’éviction (pluralité des cas d’éviction, valorisation spécifique du droit au bail ou du fonds de commerce fonction des conditions du bail, hétérogénéité des parties intervenantes du secteur privé et/ou public), il vous est vivement conseillé de faire appel à un Expert Immobilier spécialisé, qui saura vous accompagner dans l’évaluation de l’indemnité d’éviction, au moyen d’une analyse complète de votre bail, d’études de marché détaillées et de comparables probants, avec une jurisprudence à l’appui des conclusions. Le cabinet B&E Partners saura vous accompagner dans cette mission.


Une vidéo claire et concise a été édité par le cabinet B&E Partners afin de vous éclairer sur les indemnités dues en cas de perte ou de transfert du fonds de commerce :


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