Les conditions de financement se sont nettement resserrées ces derniers mois, nous assistons à des difficultés de financement accrues des projets immobiliers pourtant menés par des professionnels expérimentés. La fiducie offre-t-elle une solution adaptée en cette période pour continuer d'investir en immobilier ? Dans cet article, nous tâchons de répondre aux questions suivantes : Qu'est-ce que la fiducie ? Qu'est-ce que la fiducie-sûreté ? Qui sont les 3 acteurs d'un contrat de fiducie ? Qui et quel est le rôle du fiduciaire ? Quand intervient l'Expert immobilier dans un contrat de fiducie ?... Nous fournissons également une fiche récapitulative en fin d'article.
SOMMAIRE
La fiducie : définition et origine historique
La fiducie (également appelé « trust » en anglais) est un concept juridique anglo-saxon de gestion de patrimoine privé, existant depuis plus de 300 ans dans le droit de la Common Law. Apparue en France en 2008 seulement elle n’a pris un réel essor qu’à partir de 2012. Bien connue des acteurs du crowdfunding immobilier, la fiducie reste néanmoins encore méconnue et sous exploitée alors que le contexte financier actuel et à venir la rend particulièrement pertinente.
La fiducie désigne un contrat par lequel une personne nommée « constituant » transfère à un tiers de confiance (le ou les « fiduciaire(s) »), la propriété juridique de biens, de droits ou de sûretés (présents ou futurs). Le fiduciaire agit au profit d'un ou plusieurs « bénéficiaires », dans un but et une durée déterminée (maximum 99 ans).
Les types de fiducie et leurs utilisations pratiques
Il existe 2 grands types de fiducie :
La fiducie gestion
Il s’agit, par la mise en place d’une fiducie-gestion, de sécuriser la bonne exécution d’une obligation contractuelle. Prenons l’exemple d’un majeur protégé pour lequel on souhaite s’assurer que les biens et droits dont il hérite seront parfaitement gérés dans son intérêt.
Nous ne développerons pas davantage ce type de fiducie dans lequel l’Expert immobilier n’intervient que rarement.
La fiducie sûreté
La fiducie-sûreté permet à un emprunteur un accès facilité au financement par la mise en garantie d’un bien (marque, brevet, contrat, stock, titres de société, immobilier…) plutôt qu’une garantie personnelle (ex : caution) ou une garantie classique type hypothèque (dont la mise en œuvre s’avère longue et très couteuse).
Ce type de fiducie peut être utilisé comme un outil efficace de refinancement dans le cadre d’une opération de restructuring.
Le bien est dit « sanctuarisé » dans la fiducie car il offre au prêteur (banque, fonds, souscripteur…) une garantie efficace en cas de défaut de remboursement du prêt.
A ce titre, le prêteur - bénéficiaire est assuré que le fiduciaire maximisera la valeur du bien par une revente aux conditions de marché normales et sans empressement.
La fiducie-sûreté s’adapte parfaitement à l’immobilier. Nous développons ci-après des exemples d’application à l’immobilier de contrats de fiducie-sûreté :
1. Sécuriser un financement immobilier classique
La hausse des taux d’intérêts impacte significativement le financement de l’immobilier. La fiducie sûreté est un excellent moyen d’obtenir de bonnes conditions de financement.
En effet, le constituant transfère, au titre de collatéral, la propriété de biens sélectionnés dans son patrimoine (ex : fonds de commerce, actif immobilier…) dans le patrimoine fiduciaire. Ces biens sont sanctuarisés et échappent à tout ou partie des effets de procédures collectives du constituant.
Si le bénéficiaire (banque, crowdfunder, family office…) est ainsi garanti, le constituant s’assure également de la conservation de la valeur du bien transféré notamment pour le jour où la sûreté serait réalisée et le bien vendu.
Intervention de l’Expert immobilier :
Détermination de la valeur vénale de l’actif immobilier transféré au patrimoine fiduciaire
Détermination de la valeur vénale du bien au jour de la vente en cas de défaut de paiement
2. Sécuriser un financement immobilier via des parts de SPV
Les Special Purpose Vehicle (SPV) sont des entités juridiques (SAS, SARL ou SCI) dont l'unique objectif est de porter un actif. Un SPV n'aura pas d'autre activité que de détenir les actifs, en supporter les coûts et en percevoir les revenus.
Une telle structure peut se porter acquéreur d’un immeuble pour la réalisation d’une opération de marchand de biens. Dans ce cas, une fiducie sur les parts de la société peut être mise en place et ainsi garantir le ou les bénéficiaires. Ce type de montage est pratiqué pour le crowdfunding.
Intervention de l’Expert immobilier :
Détermination de la valeur vénale du collatéral (bien immobilier sanctuarisé)
Détermination de la valeur vénale du bien au jour de la vente en cas de défaut de paiement
Détermination de la valeur des parts de société
3. Sécuriser un crédit-vendeur
Particulièrement pertinent au regard de l’actualité bancaire, le crédit-vendeur est notamment une solution pour financer l’acquisition d’un fonds de commerce, d’un bien immobilier ou de parts de sociétés civiles immobilières.
Dans ce cas, la fiducie-sûreté est un bon moyen de garantir les intérêts du vendeur acceptant les modalités d’une telle cession.
Ainsi, l’acheteur se pose en constituant et transfère en fiducie tout ou partie de son achat au fiduciaire afin de garantir au crédit-vendeur (le bénéficiaire) un remboursement du crédit.
Intervention de l’Expert immobilier :
Détermination de la valeur vénale du bien à mettre en fiducie (fonds de commerce, nue-propriété, usufruit, parts de SCI…)
Détermination de la valeur vénale du bien au jour de la vente en cas de défaut de paiement
Les acteurs de la fiducie
Les 3 acteurs d’une fiducie sont :
Le « constituant » : il est celui dont la propriété est transférée au fiduciaire. Le bien transféré peut être :
Un actif immobilier
La nue-propriété ou l'usufruit
Des créances
Des valeurs mobilières,
Un fonds de commerces
Du stock
…
Le « fiduciaire » : généralement un avocat fiduciaire ou un établissement bancaire vers lequel la propriété d’un bien et éventuellement sa gestion sont transférées. Il dispose de compétences particulières pour effectuer cette mission dont les contours exacts sont précisément définis dans le contrat de fiducie. Ils disposent d’assurances spécifiques pour les couvrir en cas d’engagement de leur responsabilité. Notons qu’il existe 2 catégories de fiduciaires :
Les « fiduciaires-bénéficiaires » ou « fiduciaires-constituants » : qui utilisent la fiducie pour leurs propres besoins de prises de garanties : banques ou établissements de crédits, entreprises d’investissement ou d’assurance,
Les « avocats fiduciaires »
Le « bénéficiaire » : il s'agit de la personne morale ou physique au profit de laquelle est réalisé le but de la fiducie. Le bénéficiaire peut être le constituant ou le fiduciaire. Dans l’hypothèse d’une fiducie-sûreté ce sera généralement la banque ou un autre créancier
Par ailleurs, il existe également le « tiers de confiance » qui peut être désigné notamment pour vérifier la bonne exécution des obligations du fiduciaire.
Les avantages de la fiducie pour le créancier et le bénéficiaire
Le recours à la fiducie présente de nombreux avantages par rapport à des modèles de prise de garanties classique tels que le nantissement, le gage ou (en ce qui concerne cet article) l’hypothèque.
Un contrat équilibré : constituant et bénéficiaire élaborent ensemble les termes d’un contrat très précis dans lequel ils peuvent s’entendre sur la nature du bien pris en garantie, ses modalités de cession, le but de la fiducie… les modalités de cession ou d’attribution du bien en cas de réalisation de la fiducie, les obligations exactes du fiduciaire notamment en terme de reporting à l’égard du constituant ou bien encore en terme de gestion quotidienne par exemple dans l’hypothèse d’un transfert en fiducie de parts sociales (vote aux assemblées générales etc), la durée exacte, le but de la fiducie… Ce contrat sera la plupart du temps rédigé par un avocat fiduciaire rompu à cet exercice dont l’objectif sera de sécuriser au maximum les différents intérêts en présence et se prémunir de tout aléa.
Un accès facilité au crédit : le constituant-emprunteur peut accéder à de bonnes conditions de crédit en termes de taux et montants de dette.
La rapidité d’activation de la fiducie : une fois les termes du contrat parfaitement déterminés, en cas de défaut de paiement, l’activation de la fiducie est immédiate et extra-judiciaire. En effet, nul besoin d’une décision judiciaire ou d’une saisie immobilière (entre 1 et 2 ans) comparativement à l’hypothèque.
Maximisation du prix de vente du bien sanctuarisé : en cas de défaut de remboursement par le constituant, la fiducie sera réalisée. Dans ce cas précis, le fiduciaire pourra soit vendre le bien et cela dans des conditions normales de marché (sans décote particulière liée à une inexpérience ou un empressement de vente) au profit du bénéficiaire soit l’attribuer à ce même bénéficiaire. Il est ici déterminant que les conditions de mise en vente, de choix de l’expert immobilier, de la méthode retenue pour les opérations de vente soient précisément inscrites dans le contrat et ce afin d’éviter tout différend au moment de la réalisation. Il s’agit en effet d’un moment critique pour lequel il convient d’encadrer précisément le rôle du fiduciaire qui devra alors scrupuleusement suivre les dispositions contractuelles.
Priorité de remboursement du bénéficiaire : l’activation de la fiducie octroie un remboursement prioritaire du bénéficiaire contrairement à une hypothèque qui hiérarchise le remboursement des prêteurs en fonction de leur rang.
Transparence comptable : Le transfert d’un bien en fiducie (mobilier ou immobilier) ne génère pas de plus ou moins-value. Le bien est transféré à sa valeur :
a. nette comptable pour une personne morale
b. valeur historique d’acquisition pour la personne physique
Important : après le transfert, le constituant (personne morale) dispose d’une créance en restitution sur le patrimoine fiduciaire inscrite à l’actif de son bilan, ce qui permet de ne pas « l’appauvrir ».
Transparence fiscale : La fiducie bénéficie d’un régime fiscal spécifique. Le transfert d’un bien en fiducie étant temporaire seulement, il n’est pas un fait taxable vis-à-vis du constituant.
Coût d’une fiducie-sûreté : Dans le cadre du transfert de propriété d’un actif immobilier, le coût d’une fiducie correspond aux honoraires (généralement forfaitaires) du fiduciaire pour la rédaction du contrat + un pourcentage des recettes générées par l’actif au titre de frais de gestion du bien pendant la durée du contrat. A titre comparatif, rappelons qu’une inscription aux hypothèques coûtera entre 4 et 5% de la valeur vénale du bien.
Comment mettre en place une fiducie : étapes et formalités à respecter
Il convient de rédiger un contrat tripartite (entre le constituant, le fiduciaire et le bénéficiaire) parfaitement adapté aux acteurs signataires et à leurs besoins.
Si les contrats de fiducie-sûreté disposent d’un squelette commun notamment en raison de mentions obligatoires listées dans la loi notamment quant à l’identité des parties, la détermination des biens transférés en fiducie, la durée de l’opération ou bien encore la mission du fiduciaire, une grande liberté contractuelle est laissée au rédacteur du contrat qui a donc une grande latitude pour l’adapter à la situation envisagée et aux acteurs et enjeux en présence.
C’est pour cela que dès la rédaction du contrat l’avocat fiduciaire pourra mandater un expert immobilier pour déterminer la valeur vénale d’un actif immobilier et/ou un expert-comptable pour le calcul de parts de SCI ou à défaut préciser dans le contrat le mode de calcul qui sera retenu en cas de réalisation de la fiducie ou encore une liste d’expert à solliciter en pareille situation. Pour la gestion de l’actif, il pourra faire appel à un administrateur de biens. L’idée étant là encore d’anticiper au maximum la réalisation du contrat et éviter tout aléa source de différend le moment venu.
Le contrat (qui peut être signé électroniquement) nécessite dans un certain nombre de cas l’intervention d’un notaire.
Dès la signature du contrat, une revue comptable de la fiducie, par un expert-comptable (ou éventuellement un commissaire aux comptes) est obligatoire. En effet, il est indispensable d’isoler comptablement le bien sanctuarisé du reste du patrimoine du constituant.
Durant la vie du contrat, le fiduciaire administre le bien de tel sorte que toutes les obligations du contrat soient effectuées (remboursement de crédit, paiement de l’impôt, convocation et vote aux assemblées générales, entretien de l’actif…). En cas de défaut de paiement, la fiducie est réalisée, le bien étant alors vendu ou attribué au bénéficiaire afin que ce dernier soit remboursé. S’il existe une soulte en fin de remboursement de tous les ayants droit, celle-ci revient au constituant.
Si la fiducie se passe sans encombre jusqu’à son terme, elle s’éteint alors à son terme et le bien revient logiquement dans le patrimoine du constituant.
Conclusion
La fiducie possède de nombreuses applications immobilières notamment sous sa « version » fiducie-sûreté. Ce contrat tripartite parfaitement adapté aux enjeux et besoins des constituants et bénéficiaires s'avère moins coûteux et plus rapide à mettre en place qu’une hypothèque.
Pour la bonne réalisation d’un tel contrat, il est recommandé d’être accompagné de conseils spécialisés et habilités à établir les termes du document :
Un avocat fiduciaire
Un expert en évaluations immobilières
Un expert-comptable
Un administrateur de biens
L’environnement juridique, comptable et fiscal créé dès 2007 a permis d’introduire un outil de prise de garanties puissant pour les bénéficiaires, faisant de la fiducie la « Reine des sûretés ».
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